Je suis chez moi, je suis arrivé-e

Marcher en pleine conscience est une pratique merveilleuse qui nous aide à être pleinement présent à chaque instant de la vie quotidienne. Chaque pas attentif vous met en contact avec les merveilles de la vie. Vous pouvez combiner votre respiration avec vos pas et marchez naturellement sur le trottoir devant la gare ou au bord d’une rivière. En inspirant, vous pouvez faire deux pas et contempler «Je suis chez moi, je suis arrivé-e». Je suis chez moi signifie que je suis avec la vie dans le moment présent. Je suis arrivé-e signifie que j’ai rencontré la vie et je n’ai plus besoin de courir, de chercher quoi que ce soit. Votre vraie demeure est la vie dans le moment présent. Seul le moment présent est la réalité. Le passé et le futur ne sont que des fantômes capables de vous noyer dans les regrets, la souffrance, le souci et l’angoisse. Si vos pas vous ramènent au moment présent, ces fantômes perdront leur force et ne pourront plus rien vous faire.

En expirant, vous pouvez faire trois pas et répéter encore «Je suis chez moi, je suis arrivé-e. Je suis arrivé-e à ma vraie demeure. La vie merveilleuse est là, disponible. Je n’ai plus besoin d’errer en vaines recherches». Une telle marche signifie arrêter. L’arrêt est la méditation, samatha. Lorsque vous arrivez à arrêter, vos parents, vos grands parents et vos ancêtres en vous s’arrêtent aussi. Ainsi lorsque vous faites un pas en liberté, tous vos ancêtres font de même avec vous, dans chaque cellule de votre corps. Vous serez l’enfant le plus aimant du monde si vous arrivez à arrêter et à faire de tels pas pour vos parents et vos ancêtres.

Je suis chez moi,

Je suis arrivé-e.

Il n’y a qu’ici

Et maintenant.

Bien solide,

Vraiment libre,

Je prends refuge en moi-même [1].

Le poème ci-dessus contient les mots du Zen qui nous aident à nous établir solidement dans le moment présent. Saisissez bien ces mots du Zen, et vous pourrez établir votre totale présence dans l’ici et maintenant. C’est comme en montant les escaliers, si vous tenez la rampe, vous ne tomberez pas.

«Il n’y a qu’ici et maintenant», c’est l’adresse de la vie, votre destination, là où il y a votre vraie demeure, la paix et votre bonheur, là où vous pouvez trouver vos amis, vos ancêtres et vos descendants. La méditation vous ramène toujours à ce lieu. Chacun de vos pas vous fait revenir à la vie du moment présent. Essayez de marcher lentement et attentivement, et vous verrez ! En inspirant, vous faites un pas et vous vous dites silencieusement «Je suis chez moi». Il faut investir cent pour cent de votre corps et de votre esprit dans votre pas et votre respiration,  afin d’être vraiment chez vous. Si votre pleine conscience et votre concentration sont solides, vous êtes chez vous et arrivé à cent pour cent. Si vous n’êtes pas vraiment arrivé à cent pour cent à l’adresse de l’ici et maintenant, arrêtez-vous, restez où vous êtes et respirez attentivement jusqu’à ce que vous stoppiez la course des pensées, que vous soyez vraiment chez vous et arrivé à cent pour cent dans le moment présent. A cet instant, souriez, un sourire de victoire et faites un autre pas en récitant le mot du Zen «Je suis arrivé-e». Un pas solide est comme le sceau de l’empereur sur un décret, votre pied imprime sur la terre le sceau «Je suis chez moi, je suis arrivé-e». En marchant ainsi, vous générez l’énergie de la liberté et de la solidité. En marchant de cette manière, vous êtes en contact avec les merveilles de la vie, vous êtes nourri et guéri. Bien des personnes ont pu se guérir simplement grâce à la marche méditative [2].

«Bien solide, vraiment libre» signifie que vous n’êtes emporté ni par le passé ni par le futur. Vous êtes libre. Ce n’est ni de l’autosuggestion, ni un voeu, si vous êtes ancré dans le moment présent, vous avez la solidité et la liberté. Vous êtes bien solide et vraiment libre car vous ne courez plus vers l’avenir et les fantômes du passé et du futur ne peuvent rien vous faire. La solidité et la liberté sont la fondation du bonheur véritable.

«Je prends refuge en moi-même» est l’exercice que le Bouddha a transmis à ses disciples dans leur dernière rencontre avant son entrée dans le nirvana [3].


[1] Voir Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 271.

[2] Voir Thich Nhât Hanh, La Sérénité de l’instant – Paix et joie à chaque pas, Éditions Dangles, 1992.

[3] Pour en savoir plus sur la pratique quotidienne de la pleine conscience, voir Thich Nhât Hanh, Le Miracle de la Pleine Conscience, L’espace bleu, 1994.